Gilles Baudry : En filigrane et en aparté
Il suffit parfois de peu de mots pour délivrer un art poétique. En une vingtaine de textes
lapidaires, Gilles Baudry résume l’approche qui est la sienne. S’adressant au lecteur, le
moine-poète de l’abbaye de Landévennec utilise un tutoiement qui « relève aussi d’un
soliloque », comme le souligne justement Marie-Laure Jeanne Herledan dans la postface
de ce recueil.
« En filigrane et en aparté » : c’est dire assez que cet art poétique ne joue pas les grandes
orgues. On est ici dans le chuchotement, la confidence, la complicité fraternelle. C’est un
« chant de plain-silence » que nous propose le poète, tout juste froissé par « le
bruissement des arbres dans less pages » (titre d’un de ses précédents livres, chez
Rougerie). Et s’il faut aujourd’hui, au-delà des arbres, laisser bruire en soi quelque chose,
c’est bien « l’enfance phréatique ». Cette enfance que chantait Christian Bobin ou encore
Jean Lavoué à l’enseigne de « L’enfance des arbres ».
Puisque, décidément, les arbres ne cessent de délivrer leur message, il faut, nous dit
Gilles Baudry, laisser advenir « l’écriture aléatoire de la sève » ou encore « l’écriture
buissonnière ». Au cœur de cet art poétique – celui d’un puisatier ou d’un « sourcier » de
ses propres sources – il y a aussi cet « hommage à l’inaperçu » qui irrigue l’œuvre du
moine-poète, cet hommage aux humbles et à « la splendeur cachée de l’anonymat ». Les
auteurs de haïkus diraient : « Partir du banal pour sortir du banal ». Ainsi, dans la nature,
exalter les simples du chemin. Ou encore, comme le disait Seamus Heaney, exalter « les
humbles fleurs du dialecte ».
Autre constante de l’art poétique de Gilles Baudry : l’éloge des « heures creuses », y
découvrir ce qu’elles ont « d’inouï » en dépit de leur absence « d’appâts ou d’apparat ».
Pour donner corps à cette approche, le poète fait confiance aux « mots justes », aux mots
qui vont « pieds nus », aux mots « prières imprononcées ». Il ajoute : « Les mots / /il ne
sied pas qu’ils meublent le silence / mais qu’ils soient / portes et fenêtres sur l’inconnu ».
À ce propos, Marie Laure Jeanne Herledan rappelle opportunément la parenté avec ces
mots de René Guy Cadou dans son Refuge aux oiseaux : « Je suis une fenêtre, ouverte, et jevois loin ». Cadou, Baudry : une même fraternité au cœur.
Pour accompagner cet art poétique, quoi de mieux que le bleu si profond – comme
conçu « à contre-nuit » – des gravures abstraites de Marie-Françoise Hachet – de Salins. Ilnous laisse entrevoir un monde primordial comme sorti d’abysses ou de galaxies, laissant vagabonder notre imagination et, encore plus (comme le font les poèmes de GillesBaudry) nous laissant entrevoir « l’aérienne profondeur du poème »
Un nouveau livre en collaboration avec le Frère Gilles Baudry, Moine-Poète et les Éditions DES SOURCES ET DES LIVRES sises à Assérac.