Une année passe. Mais le temps compte-t-il
réellement ? Il semble que pour Marie-Françoise
Hachet – de Salins il s’agisse davantage du « temps
qu’il fait » à la façon dont Armand Robin en faisait
cas dans son unique poème-roman. Pour lui, la
grande épopée de la dure vie paysanne avec
enfance âpre et douloureuse, pour elle, les petites
« contées » d’un jardin aux saisons plurielles, où
« la vie est là » mais fragile, en équilibre. On n’y
parle pas de souffrance ni de solitude, quoique les
arbres peuvent être amputés et qu’il y ait « la
béance de la plaie ». On ne se plaint ni ne
s’épanche, on commence par le souffle de Virgile
qui, en son Arcadie boisée, a su mettre sous ses
pieds toutes ses craintes.
Dans la très belle harmonie de textes et de gravures
qui composent ce recueil, de minuscules histoires,
de très fines sensations et d’imperceptibles
impressions sont relatées. Quitte à être redondant.
Tout est dans l’infime qui n’est pas distant du
grandiose. Il y a là une invitation à un certain
bonheur, à la frugalité et la simplicité des travaux
et des jours écrit Hésiode qui sait l’espérance dans
le vase.
Extrait de l’avant-texte de Marie-Laure Jeanne Herledan

Le jardin m’ouvre ses portes

Marie-Françoise Hachet – de Salins

Marie-Françoise est au milieu de son jardin. Elle en est moins la propriétaire qu’elle n’en est l’invitée. Car le jardin « lui ouvre ses portes » et découvre ses trésors à son attention comme à son émerveillement. Les essences rares s’y remarquent, et elles sont soigneusement, amoureusement nommées. L’on demeure frappé par la présence des arbres qui appellent à la fois tendresse et empathie, par la récurrence de l’élément liquide, par la fréquence sonore des oiseaux. Marie-Françoise nous dit son jardin à l’aune des saisons et sa situation de « ravie » n’est pas sans rappeler celle de l’auteur inconnu des fameuses Odes de Salomon, ce recueil de « psaumes » du IIe siècle de notre ère qui évoque lui aussi abondamment le jardin, les sources, les couronnes de fleurs. Le jardin de Marie-Françoise – hortus conclusus, comme celui dont parle aussi le Cantique des cantiques dans la Bible – n’est pas entièrement fermé sur lui-même. Au demeurant, quel jardin vraiment humain pourrait-il l’être ? La souffrance des arbres ouvre des perspectives sur d’autres souffrances qui, en ce monde si dur, réclament la compassion. Les mots de cet « herbier » ou de ce « calendrier » se veulent au plus près des sensations fugaces, du fragile, de l’instantané, et il y a dans cette poésie beaucoup de marges, beaucoup d’espace, pour que l’on puisse respirer, partager le bien-être de celle qui sait demeurer dans son jardin et nous en ouvre les portes à son tour.

On saluera la très belle préface de Marie-Laure Jeanne Herledan qui installe autour du poème de Marie-Françoise toute une constellation littéraire, de Virgile à Guillevic. Et naturellement les si délicates gravures de Marie-Françoise elle-même : la moitié de son livre et la meilleure part de son art.

Frère François Cassingena-Trévedy