Avec Jean-Pierre BRASSAC

Jouer sur les mots. Opérer un édifiant glissement de sens. Au-delà de l’évocation sonore induite par son titre, Arts Capella affirme une vocation visuelle. Spatiale aussi, et patrimoniale sûrement.

Arts Capella se veut fusion sémantique et association entre chapelle, chant et création. Trois vocables triangulaires au milieu desquels sont convoqués vingt-quatre artistes sous les auspices d’un presque palpable génie des lieux.

Vocation, évocation, convocation : des termes propres à confirmer que l’événement est un appel, appel à se montrer, à se faire entendre, fût-ce par des gammes chromatiques, des portées coloristes sinon musicales.

La chapelle-capella-se situe dans le prolongement harmonique de la voix humaine, elle est sa chambre d’écho. D’où l’expression a cappella pour désigner le chant accompagné de la seule réverbération du granit, unique prolongement acoustique dans l’absence instrumentale.

Ainsi, la voix arts capella n’est autre que celle des artistes plasticiens. Qu’ils soient sculpteurs, graveurs,mosaïste, tailleur de pierre, photographes ou peintres, que leur matière soit textile, argentique ou minérale, et leur support le verre, la porcelaine, la soie, la toile : leur parle se trouve amplifiée par un imposant bagage de signes bi ou tri dimensionnels.

Arts Capella est donc à la fois résonance et vibration des dits de l’art, et cela le temps d’un été, chaque année recommencée Marie-Françoise Hachet-de Salins souligne, pour sa part, son « travail de révélation spirituelle », assumant ainsi son rôle de médiatrice, d’opératrice entre-deux. Ce positionnement d’une artiste n’est pas aussi décalé que l’on pourrait le croire. Dans le monde gréco-latin, le statut conféré au poète que sa parole soit de verbes ou d’icônes était celui d’un visionnaire qui accédait par son art à une connaissance intuitive de l’univers, le mettait à à la croisée des chemins de l’humain et du divin. Il devenait l’explorateur privilégié de la multiplicité des visages réel.

« Comment passer de la matière à l’invisibilité », s’interroge encore Marie-Françoise Hachet-de Salins. Et dans le sens contraire : « Comment révéler une absence plus riche qu’une présence visible ? ».

Programme spirituel dualiste où la matière est de trop. Ici, les questions de l’artiste sont d’ordre surnaturel. Marie Françoise Hachet de Salins est historienne de l’art tout autant plasticienne. Chemin faisant, elle a jalonné son art cérébral de cartes et de plans, en taille douce, eau-forte et aquatinte.

Pourquoi dissimulerait-elle ses filiations ? Le Floch, Hercules Seghers, Albrecht Durer sont pour elles des noms et des œuvres qui comptent.

« Ce que l’on ressent on le transmet forcément dans son travail », avoue t-elle au sujet de certains de ses travaux d’inspiration spirituelle. Pourtant Marie Françoise se refuse à trancher, elle préfère de loin l’entre-deux à l’engagement aveugle et forcement réducteur.

Voilà une artiste qui creuse la matière comme elle creuse en elle. A l’introspection correspond l’incision dans la plaque, c’est une gravure comme œuvre de révélation de soi au monde et du monde à soi.

Tout cela se trouve exprimé dans son mémoire de maitrise intitulé fort à propos « Trace de l’invisible ».